"Le vrai printemps"
Extrait d'un roman, mais lequel ? Écrit par un génie : son nom ?
« Le printemps fut assez tardif. Aux dernières semaines du carême, le temps fut clair, mais froid. Pendant la journée la neige fondait au soleil, et la nuit la température descendait à sept degrés au-dessous de zéro. La croûte de glace était si ferme qu'on allait en traîneau à travers champs. Le jour de Pâques il neigea ; mais tout à coup, après la semaine sainte, un vent chaud s'éleva, les nuages s'amoncelèrent et, pendant trois jours et trois nuits une pluie chaude tomba à torrents. Le jeudi, le vent se calma et un brouillard épais et gris se forma, comme pour cacher les mystères des champs qui s'accomplissaient au sein de la nature.
Sous le brouillard bleuâtre, la glace craquait, et des torrents écumeux coulaient de toutes parts. Après les fêtes du soir le brouillard se dissipa ; les nuages devinrent moutonneux, le temps s'éclaircit ; le vrai printemps était là.
Le matin, le soleil se levait clair, fondait rapidement la glace très fine qui recouvrait les eaux, et l'atmosphère échauffée tremblait, emplie des vapeurs de la terre ravivée. La vieille herbe jaunie reverdissait, les bourgeons des groseilliers, des framboisiers, des bouleaux se gonflaient, et sur les champs couleur d'or bourdonnaient les abeilles. Les alouettes invisibles chantaient sur les chaumes, les vanneaux pleuraient au-dessus des mares, et en haut, tout en haut, volaient avec des cris printaniers les grives et les oies. Le bétail mugissait dans les champs, les agneaux jouaient autour de leurs mères bêlantes et perdant leur toison ; les gamins couraient à grands pas sur les sentiers qui commençaient à sécher ; au bord de l'étang éclataient les voix joyeuses des lavandières, et dans les cours résonnaient les marteaux des paysans réparant leurs herses et leurs charrues.
Le vrai printemps était arrivé. »